Bonjour Patrick, merci d'avoir passé la journée avec nous dans ton atelier. Revenons au début, peux-tu te présenter et nous dire où tout a commencé pour toi ?

Mon nom est Patrick Hufschmid. Je suis luthier et plectrier à Aigle, en Suisse. Je fabrique des guitares depuis 1996 et des médiators depuis 2009. J'ai commencé à jouer de la guitare dès mon très jeune âge. J'ai découvert ma première guitare dans une poubelle. Je l'ai ramassé et essayé de la retaper : c’était le coup de foudre. J'avais environ 11 ans quand ma mère a eu la gentillesse de m'offrir ma première guitare électrique qui était une arnaque bon marché d'une grande marque mais assez bien pour commencer. J'ai commencé à jouer et, à un moment donné, j'ai essayé de la modifier pour l'améliorer. C'est là que tout a commencé.

La musique semble faire partie de ta vie, c’est certain. Les guitares que tu fabriques sont quelque chose d'assez spécial, peux-tu nous expliquer un peu comment tout cela est né ?

Ma mère est une joueuse de hautbois internationale. Elle travaille dans l'industrie de la musique depuis 50 ans et elle connaissait quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui, lui-même, connaissait quelqu'un d'autre qui se trouvait dans un endroit célèbre du Minnesota, appelé le “Red Wing Technical College“, où l’on étudie la guitare. J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir y aller. À 20 ans, j'y ai donc suivi une formation de fabrication de guitares. C'était il y a 24 ans. À mon retour, je n'ai pas immédiatement commencé à en fabriquer. J'ai travaillé d’abord dans l'horlogerie du luxe, particulièrement les montres-bracelets, une autre de mes grandes passions dans la vie.

Tes créations sont uniques, y a-t-il des techniques ou des matériaux spéciaux que tu utilises dont tu pourrais nous parler ?

J'aime croire que les gens aiment l'authenticité et le petit artisan, car c'est ce que je suis. Depuis que j'ai commencé à étudier sérieusement la guitare en 1996, mon travail s'est basé sur l'utilisation de formes traditionnelles. Mes guitares ne présentent pas de formes singulières, je les garde traditionnelles, mais j'essaie d'innover en utilisant de nouveaux matériaux pour les écrous ou des micros personnalisés, par exemple. C’est vraiment unique. J’apporte aussi beaucoup de soin au câblage. J'ai également mon propre matériel luminescent dans le noir que j'appelle “HufGlow”. En fait, c’est un matériel de sécurité et je suis le seul fabricant à l’utiliser. Il est super réactif. J'ai pu acheter un petit stock mais quand il sera épuisé, il n'y en aura plus.

Les noms de toutes tes guitares et médiators ont une vraie histoire à raconter. Leurs noms en particulier sont très originaux. Pourrais-tu nous dire un peu comment tu les nommes et pourquoi ?

Mon modèle « Tantalum » est basé sur mon élément préféré, le Tantale. J'ai aussi vendu des montres-bracelets à cadran en tantale. J'adore sa couleur et j'ai aimé la mythologie grecque qu’il inspire. Ensuite, il y a l’art et la peinture, comme le modèle « Dunkel ». C’est une technique de peinture à lumière sombre qui désigne simplement les caractéristiques sonores de cette guitare : vous pouvez émettre des sons extrêmement aigus ou graves. J'expérimente et donne un nom aux choses différentes. Je ne veux pas appeler une guitare métallique "L'agresseur", je pense que c'est un peu enfantin, vous savez. Je vais donc proposer un nom un peu plus recherché pour essayer de faire quelque chose d'original.

Nous avons remarqué que chaque pièce que tu fabriques est unique et faite sur mesure, fabriques-tu aussi des pièces semblables ?

La différence entre les boutiques personnalisées et moi est qu'elles construiront ce que vous voudrez. Ce n'est pas ma devise. Je cherche le résultat final. Tout au long des 24 années à fabriquer des guitares, j'ai utilisé des matériaux spéciaux car je suis passionné par le résultat. Ce sont ces matériaux combinés qui créent la guitare Hufschmid. Je propose différentes options, comme l'échelle, la longueur, les micros et des trucs comme ça tout en gardant mon style de fabrication.

Ce qui distingue tes guitares, c'est l'attention portée aux détails, l'innovation et les matériaux que tu utilises. Pourrais-tu nous en dire un peu plus ?

J'utilise toujours des pièces avec découpe quartier parfaite et d'une seule pièce pour le corps et le manche, ce qui est peu commun. C'est une ressource rare. J'utilise toujours du bois certifié FSC, donc écologique. J'emploie du matériel cent pour cent éthique et n’utilise aucun produit d’origine animale pour mes guitares, à l’exception de Galalith, un bioplastique à base de lait qui date du début des années 1960. J'utilise toujours le tracé de la main gauche ou droite de mon client, car je façonne le manche en fonction du tracé de la main. Lorsque vous regardez des photos, vous réalisez simplement que les manches standards ne sont pas la meilleure solution et qu’il est possible de façonner le manche de façon à ce qu'il corresponde à la morphologie de la main du client. C'est quelque chose d'un peu différent.

Nous avons adoré entendre parler du processus de fabrication et de tous les matériaux et designs que tu utilises. Ce que nous voulons vraiment savoir maintenant, c'est ta partie préférée du processus.

Ce que j’apprécie avant tout dans mon travail c’est d'être contacté par un passionné qui connaît mon métier et qui prend contact avec moi car il me suit depuis de nombreuses années. Quelqu’un qui s’intéresse réellement pour une œuvre de mon art. Je ne voudrais pas paraître trop prétentieux en disant cela, mais je pense que la meilleure récompense d'un artisan est lorsque quelqu'un apprécie son travail. À chaque fois que je reçois des commandes de médiators par exemple, je suis émerveillé d’avoir à faire un choix pour quelqu'un à l'autre bout du monde, c'est incroyable. C'est vraiment la meilleure partie de mon travail.